Lire la lettre ouverte et le témoignage du DEC suivi d’un engagement à mettre fin au « trafic »
Plusieurs enseignants du secondaire ont dénoncé au cours de la semaine dernière, la pérennisation au Bénin, d’un réseau de favoritisme, de trafic ou de fraude autour de la liste des correcteurs au Brevet d’études du premier cycle (BEPC). Le phénomène aurait même pris une autre allure cette année. Parmi eux, Ganion AGNIDE, un enseignant de français, s’est adressé au Directeur des examens et concours (DEC) du ministère des enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle, Dr Roger KOUDOADINOU. Dans cette lettre, il accuse des responsables à divers niveaux du système éducatif dont le DEC. Le DEC a jugé utile de lui répondre, par le biais d’une lettre aussi. Ci-dessous, les deux correspondances.
Lettre ouverte à Monsieur KOUDOADINOU Roger, Directeur des Examens et concours
Monsieur le DEC ;
Si je me permets ce soir de mêler mes mots à ceux de l’illustre Emile Zola, c’est que la gravité de la situation l’impose. Je veux ici avoir le souci de votre juste gloire qui a porté votre nomination au poste du Directeur des Examens et Concours, car vous êtes l’un des plus brillants jeunes cadres que notre pays a su valoriser pour ses compétences et sa volonté de faire avec excellence la mission que la République lui a confiée. Mais quelle tâche ! Quelle tâche que représente aujourd’hui su votre belle étoile cette question de magouille sur les listes de correction du BEPC confectionnées sous votre gestion et qui entache votre œuvre jusque-là pourtant si appréciable. Monsieur, j’accuse. J’accuse cette félonie et cette fourberie des Jurys de validation des listes qui laissent, par connivence, par complaisance, par complicité des personnes non méritantes se glisser sur ces listes de correction ; nous faisant revenir aux temps détestés de la gestion clientéliste de notre administration. J’accuse ces Directeurs Départementaux de l’Enseignement Secondaire, de la Formation Technique et Professionnelle, leurs collaborateurs qui dans leur incapacité à arrêter le mal que nous décrions aujourd’hui se font complices des magouilleurs. J’accuse les Présidents de Commissions de correction surtout ceux de français qui couvent et couvrent la tricherie des gens sans profil adéquat qui osent encore usurper la qualité de correcteur de français au vu et au su de tout le monde, faisant au passage de cette matière une discipline bâtarde. Je vous accuse Monsieur le DEC de laisser se dérouler sous vos yeux cette prostitution de cette discipline, la vôtre par des gens qui n’ont rien à chercher dans son enseignement encore moins dans sa correction. Oui, je vous accuse de vous fendre de notes de service qui n’ont d’effet que dans les quatre murs de votre bureau et de vous laisser ainsi tourner en bourrique par des cadres d’exécution sur le terrain. A moins que cela ne soit votre œuvre toute cette complaisance et votre dernière note de service ne soit qu’en vérité leurre.
Enfin, je vous accuse de laisser jeter une ombre sur le combat de restauration de l’équité dans les pratiques administratives que mène la rupture. Je veux espérer que mes mots, non mon indignation vous parviendra et vous ne lirez que dedans le souci d’un jeune compatriote qui veut vous voir réussir et inscrire votre nom dans l’histoire du monde de l’enseignement béninois comme un de ceux qui auront travaillé à lui redonner ses lettres de noblesse.
Veuillez croire, Monsieur le DEC l’expression de ma sympathie.
Ganiou Olowonimi AGNIDE
La réponse du DEC
J’accuse bonne réception de votre « J’accuse », Monsieur Ganiou Olowonimi AGNIDE
Cher Collègue et Ami
Sans vous connaître, je vous dis Ami ! Qui, mieux que l’Ami, pour vous dire quatre bonnes vérités quand gronde contre vous la sourde colère de tout un peuple, le vaillant peuple des enseignants ?
Et vous eûtes raison sur toute la ligne, pour tout vous dire. Voici ma lecture :
Il est une pratique courante que dans les départements, à quelques exceptions près, une nébuleuse existe qui reprend et modifie joyeusement et cyniquement la liste retenue par la commission départementale, quand parfois (soulignez bien mes nuances) les indélicats ne sont rien d’autres que des éléments tapis au sein de la commission elle-même. Je l’ai vécu dans le Zou tout le temps où j’étais en poste et j’ai bravé les ddeps successifs jusqu’à l’arrivée de l’Inspecteur Bertin Toliton comme ddeps qui m’épaula et fit le même combat en œuvrant à faire cesser la vilaine pratique.
Modus operendi des trafiquants
Des collègues (permettez l’imprécision volontaire) hommes de main, sont les rabatteurs dans leurs zones d’influence. Ils lancent les appels à inscription par le biais d’autres enseignants acquis au réseau. Ils réussissent par tous les moyens à faire retenir et insérer donc ceux qui ont promis une portion de leurs primes de correction et c’est cette mouture qu’on envoie au DEC. Tel est le système ainsi que je l’ai vécu et combattu 10 ans dans le Zou. ON A TOUJOURS FAIT COUVER A LA DEC, DES OEUFS POURRIS. Il est souvent arrivé que les insérés refusent de payer à la fin de la correction et les représailles contre certains ont débouché sur la non reconduction de leurs heures de vacation, l’année d’après. J’ai pensé que l’épée de Damoclès de la CRIET dans le système éducatif planait assez ostentatoirement et était suffisamment dissuasive pour que fût devenue, le temps de l’actuel régime, cette pratique, un triste souvenir du passé. Hélas !
Comme les ans passés, le trafic a prospéré. Et il a eu une ampleur phénoménale, une ampleur qui dépasse l’entendement à cette session du Bepc 2020.
De nombreuses situations scandaleuses : des enseignants au corps de contrôle depuis dix ans dont les noms sont gommés de la liste. Ils ne sont même pas allés à la correction ! Idem de nombreux et compétents Animateurs d’Établissement (AE) et enseignants ayant-droit, injustement écartés, sacrifiés sur l’autel du trafic de ristournes par d’ autres… enseignants !
Grands Dieux ! Grands Dieux ! Prêtez-moi vie et santé. Je réglerai une bonne fois pour toutes ce trafic de ristournes des enseignants moyennant inscription sur les listes de correction au BEPC.
Tout en vous réitérant ma reconnaissance pour la citoyenneté constructive de votre « J’accuse » contre ma si petite personne dans la République, je vous prie de recevoir, Monsieur Ganiou Olowonimi AGNIDE, l’expression de mon immense admiration.
Dr. Roger Koudoadinou.